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PLACE DES ÉCRANS DANS LE PROCESSUS ÉDUCATIF

M. Di Mattia – En marge des résultats de la récente enquête PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study – Programme international de recherche en lecture scolaire), qui révèle le niveau de lecture des élèves de quatrième année primaire, j’aimerais aborder les effets de l’utilisation excessive des écrans et du numérique au regard d’une actualité européenne.


Dans un récent communiqué, la ministre suédoise de l’Éducation a indiqué que son gouvernement enterrait la stratégie de l’Agence nationale pour l’éducation en faveur du numérique et a annoncé un investissement en faveur du retour des manuels scolaires. D’après elle, l’utilisation des écrans a induit un recul des compétences en lecture des élèves. C’est pourquoi la ministre compte octroyer 60 millions d’euros pour accélérer le retour des manuels dans les établissements.


Les avis des experts divergent sur cette question: si certains soulignent les conséquences négatives des écrans sur la concentration et sur l’apprentissage, d’autres défendent l’importance des compétences numériques pour les élèves. Le débat suscite également des préoccupations concernant l’exposition précoce des enfants aux écrans et le manque de consultation des enseignants dans les investissements numériques engagés au sein des établissements scolaires.


Madame la Ministre, jugez-vous opportun de mener une évaluation des répercussions de l’utilisation des écrans dans les établissements scolaires de la Fédération? Quelles mesures sont-elles déjà intégrées dans la Stratégie numérique pour l’éducation afin de remédier aux éventuels problèmes identifiés? Des communications sont-elles développées en direction des enseignants pour promouvoir une utilisation équilibrée des écrans et du format papier traditionnel lorsque cela s’avère intéressant sur le plan pédagogique? Quelles autres pistes sont-elles à l’étude dans le cadre de la concertation avec la ministre de l’Enfance, notamment pour sensibiliser les parents à l’importance de cet équilibre dans le processus éducatif? Dans ce cadre, envisagez-vous de renforcer le rôle de l’éducation aux médias et aux réseaux sociaux en milieu scolaire?


Mme Désir – Depuis quelques années, j’observe une consommation parfois excessive des écrans, tant chez les enfants que chez les adultes. Désormais, les dommages sont connus et doivent être pris en compte. Monsieur Florent, je vis les éléments concernant l’enseignement maternel dont vous me faites part à chaque fois que je me rends dans une école de l’enseignement fondamental. Je commence à être très inquiète à propos de ce qui se passe chez les jeunes enfants. Malheureusement, je n’ai pas le champ libre pour agir, car beaucoup se joue dans les familles. Mais cela devient une question de santé publique dont il nous faut nous emparer. C’est pourquoi, en ce qui concerne l’école, il paraît indispensable de travailler sur les compétences des élèves, leur apporter le soutien et l’orientation nécessaires afin de promouvoir un usage équilibré de ces nouveaux outils numériques.


À cet égard, la Stratégie numérique pour l’éducation prévoit, avec l’application du nouveau tronc commun renforcé, des objectifs plus ambitieux qu’auparavant. Le référentiel de formation manuelle, technique, technologique et numérique (FMTTN) a été élaboré non pas pour prôner un monde numérique, mais pour permettre l’acquisition de compétences dans le domaine numérique autant que pour porter un regard critique et une réflexion éthique sur les usages et évolutions du monde numérique. L’ambition est de développer, dès la troisième année primaire, des compétences numériques qui concourent à rendre l’élève de plus en plus autonome, capable de poser des choix avisés prenant en compte les conséquences individuelles, sociales, économiques et écologiques de ses pratiques. En cela, nous avons pris une direction bien opposée à celle des pays scandinaves qui ont fait le pari du 100 % numérique en milieu scolaire.


Outre l’actualisation des contenus d’apprentissage, il s’agit de sensibiliser aux risques connexes et d’accompagner les acteurs de l’éducation dans un usage conscient et responsable du numérique. En effet, nous informons régulièrement le corps enseignant au travers d’articles publiés sur l’utilisation des outils numériques à l’école et dans les cours. Un guide d’utilisation a également été publié afin de fournir les recommandations pour un bon usage des technologies.


Concernant votre dernière question, Monsieur Di Mattia, l’éducation aux médias se trouve durablement inscrite dans le parcours scolaire. Cette matière, incontournable, trouve ainsi une place transversale dans les référentiels, dont celui dédié à la philosophie et à la citoyenneté. Par ailleurs, nous mettons tout en œuvre afin d’outiller et de former les équipes éducatives sur cette matière, intimement corrélée à l’usage du numérique.


Enfin, depuis plusieurs années, le Conseil supérieur de l’éducation aux médias (CSEM) fait partie d’un projet cofinancé par la Commission européenne: le consortium belge pour un meilleur internet. Celui-ci rassemble quatre partenaires: le CSEM, Média Animation, Mediawijs et Child Focus. Il a pour principal objectif de réunir divers acteurs belges de l’éducation aux médias afin de promouvoir, auprès des enfants, des adolescents et des adultes, des usages citoyens, critiques et responsables au travers d’événements, de rencontres, d’études, de rapports et de recommandations. De plus, une semaine dédiée aux médias est en préparation et a pour but de toucher tous les utilisateurs, qu’ils soient parents, élèves ou enseignants, sur une thématique relative à l’éducation aux médias.


M. Di Mattia – Madame la Ministre, les informations que vous mettez en avant sont concrètes, tangibles et intéressantes. Cependant, nous ne sommes probablement qu’au début d’un phénomène. Même si l’orientation qu’a choisie notre pays, et d’autres qui nous sont proches, est sans doute différente de celle des pays scandinaves, il n’empêche que nous assistons à une utilisation massive du numérique. Que nous le voulions ou non, il faudra en arriver à des mesures contraignantes pour limiter l’accès aux écrans dans la sphère de nos compétences.


Je suis très attentif à ce qui se passe sur le terrain: à part la prise de conscience de l’importance du phénomène qui se manifeste à différents endroits, il n’y a pas encore de solutions en construction. Je crains que l’éducation aux médias, bien que nécessaire, ne soit pas suffisante pour enrayer ce phénomène.


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