M. Di Mattia – Le phénomène du décrochage scolaire existe depuis de nombreuses années. La crise sanitaire n’a fait que l’amplifier. C’est une de vos préoccupations majeures, Madame la Ministre, puisqu’à votre initiative, la Fédération Wallonie-Bruxelles a mis en œuvre de nombreux dispositifs pour atténuer les effets négatifs de la crise sanitaire et retrouver le plus rapidement une vie scolaire sereine.
La question du décrochage demeure prégnante et les chiffres enregistrés l’année scolaire précédente n’étaient pas de nature à atteindre les objectifs de diminution des absences injustifiées inscrits dans le Pacte pour un enseignement d’excellence. Dans ce cadre, nous vous savions soucieuse de faire avancer le plus rapidement possible les travaux du chantier n° 13 qui ont abouti à la rédaction d’une note d’orientation présentée au Comité de concertation du Pacte avant d’être discutée en lecture unique lors de la séance du 19 janvier dernier du gouvernement.
Dans ce même objectif, vous vous êtes engagée à rencontrer régulièrement vos homologues chargés de la formation au sein des gouvernements régionaux pour renforcer les liens entre les partenaires du réseau d’opérateurs intrascolaires et extrascolaires afin de soutenir, de manière optimale, les équipes éducatives et les centres PMS dans leur accompagnement des élèves et des familles.
Les chiffres actualisés au mois de décembre 2022 permettent-ils de mettre en évidence une tendance positive en matière d’absentéisme? Maintenant que la note d’orientation a été présentée au gouvernement, pourriez-vous en préciser les contours? Quelles sont les principales mesures balisant ce nouveau Plan global de lutte contre le décrochage scolaire dans l’enseignement obligatoire? Un phasage a-t-il déjà été arrêté?
Depuis nos derniers échanges et à l’instar des contacts pris avec la ministre Morreale, avez-vous pu engager une collaboration avec la Région bruxelloise? Dans ce cadre, quelles dispositions visent-elles notamment à fluidifier les relations entre les opérateurs et à éclairer les offres potentielles de service hors du monde scolaire?
Enfin, avez-vous pu formaliser un lien effectif entre la «Garantie jeunesse» et les objectifs de lutte contre le décrochage scolaire? Les projets introduits par la Direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO) auprès du Fonds social européen (FSE) se concrétiseront-ils? Selon quel délai?
Mme Désir – Mesdames les Députées, Messieurs les Députés, les chiffres communiqués par mes services confirment bien, malheureusement, une hausse de l’absentéisme. Globalement, au 15 décembre dernier, une augmentation de plus de 30 % était enregistrée par rapport à 2022. Je joins d’ailleurs à ma réponse les chiffres communiqués par mes services. Par conséquent, je me réjouis que le gouvernement ait approuvé la note d’orientation relative au Plan de lutte contre l’absentéisme des élèves centrée sur une stratégie de réduction du décrochage que je lui ai proposée.
Outre les nombreuses initiatives et les réformes du Pacte pour un enseignement d’excellence visant à renforcer l’accrochage scolaire et à agir sur les causes du décrochage, cette stratégie sera déclinée en trois axes spécifiques ciblés sur l’élève. Ces axes seront également déployés dans un espace-temps clairement défini: la prévention ciblée individuelle, l’intervention et la compensation. Responsables du fait que tous les élèves soient pris en charge de manière appropriée, des personnes-pilotes intégreront chacun de ces axes. Leur travail s’articulera avec les intervenants de terrain œuvrant déjà aujourd’hui contre le décrochage scolaire pour développer concrètement les actions d’accompagnement des jeunes, prévues conjointement avec le pilote de l’axe en question.
Trois actions préalables devront être menées avant de passer à l’installation du plan dans les établissements scolaires. La première action vise l’ensemble des absences injustifiées qui feront désormais l’objet d’une détection systématique dès le premier demi-jour d’absence et de manière continue grâce à une nouvelle application proposée par le pouvoir régulateur. On gagne du temps, grâce à cette dernière. Pour tout élève atteignant le seuil de neuf demi-jours d’absence injustifiée, la deuxième action consistera en un rappel à la loi automatiquement et immédiatement envoyé aux parents ou responsables légaux par les services de l’Administration générale de l’enseignement (AGE).
J’en viens à la troisième action. Les parents ou les responsables légaux d’élèves atteignant le seuil de dix demi-jours d’absence injustifiée seront convoqués par la direction d’établissement, avec pour objectif de leur rappeler les obligations légales, de les sensibiliser aux conséquences négatives de l’absentéisme et de nouer un dialogue constructif sur les moyens d’y remédier. Il y aura une légère distinction de fonctionnement entre l’enseignement fondamental et l’enseignement secondaire. Dans ce dernier, un garant est désigné pour développer une culture de l’accrochage scolaire. Enfin, les élèves majeurs, respectant le double critère d’être âgés de 18 à 21 ans et d’être à moins de deux ans de la diplomation, seront eux aussi concernés par ce schéma.
Le gouvernement m’a demandé de lui présenter les modifications légales et réglementaires pour l’entrée en vigueur de cette stratégie lors de la rentrée scolaire 2024. Le dispositif adopté est le résultat du travail du chantier n° 13 et de groupes de travail qu’il a diligentés en présence d’experts et d’acteurs de terrain. Bon nombre de projets déterminés, enracinés dans les précédents, ouvrent la porte aux suivants dans une perpétuelle évolution systémique. Ainsi, des sessions de travail ont déjà été spécifiquement dédiées, par exemple, aux SAS, opérateurs occupant une place privilégiée dans l’axe de compensation et dépendant tant de l’enseignement que de l’aide à la jeunesse. Les SAS sont fortement impliqués dans les travaux relatifs à la création de l’application susmentionnée. D’autres sessions de travail avec les SAS doivent encore être planifiées.
Les indicateurs qualitatifs et quantitatifs, évalués et suivis dans le temps, essentiels au pilotage du système éducatif et des écoles, devront également être établis. Des contacts avec les autres niveaux de pouvoir ont été pris, afin de créer des synergies nécessaires à la prise en charge optimale des élèves, et ce, quels que soit leur situation, leur état ou l’étape à laquelle ils se trouvent dans leur parcours scolaire.
Dans le cadre de la programmation du fonds de sécurité d’existence (FSE), le projet Amarrage, destiné aux écoles secondaires ordinaires et spécialisées, aux centres PMS, aux centres d’éducation et de formation en alternance (CEFA), aux services d’aide en milieu ouvert (AMO) et aux SAS, est coordonné par le Centre de coordination et de gestion des programmes européens (CCGPE). Ce projet a notamment débouché sur la création de dispositifs d’accrochage scolaire, internes ou externes aux écoles, et ce, en concertation entre les secteurs de l’enseignement et de l’aide à la jeunesse.
Le CCGPE participe aux comités de pilotage de la «Garantie jeunesse», tant à Bruxelles qu’en Wallonie. Ces derniers permettent aux différents acteurs qui travaillent à l’amélioration de l’insertion des jeunes, de se concerter sur les actions menées et les difficultés rencontrées. La collaboration intersectorielle démontre une plus-value dans la qualité et le nombre des accompagnements de jeunes. La sélection des projets déposés au FSE par le CCGPE en mai 2022 sera communiquée à la fin de mars 2023, conformément aux dernières informations reçues de l’agence FSE.
J’ajoute qu’un accord de coopération entre la Communauté française, la Commission communautaire française (COCOF) et la Région de Bruxelles-Capitale, relatif aux besoins spécifiques de l’enseignement et de l’accueil de la petite enfance à Bruxelles, est en voie d’élaboration. Un de ces objets vise précisément la lutte contre le décrochage scolaire et l’abandon scolaire précoce.
Quant aux courriers envoyés aux parents par le Service du droit à l’instruction (SDI) après un premier signalement pour rappeler de manière officielle la loi concernant l’obligation scolaire, ils font partie intégrante de la procédure actuelle et mentionnent également les sanctions prévues en cas de non-respect des règles relatives à l’obligation scolaire. Ils revêtent dès lors un caractère officiel.
Si l’absentéisme de l’élève perdure et si aucun intervenant, qu’il s’agisse d’un centre PMS, d’un service d’aide à la jeunesse (SAJ) ou d’un service d’aide en milieu ouvert (AMO), ne prend déjà en charge le dossier, cet élève sera orienté vers le service des équipes mobiles d’accompagnement (EMA), qui tentera alors de recréer du lien entre la famille et l’école en s’appuyant sur les règles relatives à l’obligation scolaire. Si nécessaire, les membres de ces équipes peuvent accompagner les familles vers des services plus adaptés, mais il ne s’agit cependant pas d’un service d’aide contraignante.
Vous comprendrez donc que la dimension «temps» joue un rôle dans le traitement des absences par les intervenants psycho-socio-éducatifs et se heurte parfois aux attentes des directions d’école, qui sont pour leur part ancrées dans le présent, ce qui se comprend bien évidemment. Chacun travaille en effet en fonction de ses propres objectifs.
À ce jour, je n’ai pas connaissance de situations ou de plaintes liées à des réactions violentes de parents. Je déplore évidemment ce type de réaction. En cas d’incident, il est toujours possible de faire appel aux équipes mobiles afin d’obtenir un soutien. Ne nous en cachons pas: globalement, la relation entre l’école et les familles s’est quand même complexifiée dans certaines écoles, notamment à la suite de la crise sanitaire. Plusieurs projets sont en réflexion dans le cadre des chantiers du Pacte pour un enseignement d’excellence pour améliorer la qualité de cette relation et identifier les leviers d’action.
Enfin, les vérificateurs ont pour mission de comptabiliser les élèves régulièrement inscrits pour le calcul de l’encadrement, des dotations-subventions, du capital-périodes ou du nombre total de périodes professeurs (NTPP) octroyé aux établissements. En outre, ils veillent au bon respect de la réglementation et contrôlent les documents nécessaires attendus.
M. Di Mattia – Madame la Ministre, je vous remercie pour l’ensemble de vos éléments de réponse qui vont tous dans le bon sens. Nous prendrons évidemment le temps de relire la note, mais il me semble qu’elle est parfaitement bien intégrée avec les trois axes que vous avez déterminés, et singulièrement celui de la prévention ciblée individuelle qui nécessite un certain temps pour être mis en application.
En outre, personne ici autour de la table n’est en mesure de définir les effets prolongés de la crise sanitaire, puisque cela demande un certain recul. La mise en œuvre du plan est ambitieuse et nécessite donc un certain temps pour être sérieuse et viable.
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