M. Di Mattia – Madame la Ministre, les chiffres du baromètre Vias qui viennent d’être publiés ne sont pas bons. Ils confirment une augmentation du nombre de décès d’usagers dits faibles impliqués dans des accidents de la route. Je me suis focalisé sur des solutions évoquées par le porte-parole de l’Institut Vias pour limiter le nombre de victimes. Parmi les différentes solutions, on évoque l’implantation du permis à points pour lequel vous aviez précédemment émis de nombreuses réserves. Faute d’un système de répression suffisamment coercitif, il vous paraissait peu opportun de renforcer la répression des automobilistes mis en cause dans les accidents par une formation alternative aux amendes routières. Parmi les 179 décès d’usagers dits faibles enregistrés, confirmez-vous une augmentation du nombre de décès recensés en Wallonie par rapport à l’année 2021 ? Quelles dispositions pourriez-vous mettre en œuvre pour limiter le nombre d’accidents de ce genre ? Qu’en est-il de l’élargissement du recours à des sanctions éducatives et à la formation ? Des dispositions ont-elles été arrêtées, avec le Fédéral, pour lutter contre les récidivistes, notamment la possibilité d’inclure les infractions de vitesse dans les amendes administratives régionales ? Quel est l’état de la concertation avec le ministre Henry sur le manque de pistes cyclables et l’état de dégradation avancée des pistes existantes ? Travaillez-vous à une stratégie visant à mieux séparer l’espace laissé au vélo de celui utilisé par les automobilistes ou les véhicules motorisés ? Allez-vous enfin renforcer le travail de sensibilisation du grand public au respect du partage harmonieux de la route en organisant de nouvelles campagnes par l’AWSR avant le printemps ? Enfin, pourriez-vous faire le point sur l’intensification des brevets piétons et cyclistes ? Plus spécifiquement sur la sensibilisation des jeunes à la multimodalité.
Mme De Bue – Madame et Messieurs les Députés, une bonne part des indicateurs de sécurité routière sont effectivement en hausse en Wallonie entre 2021 et 2022. Ces chiffres sont d’ailleurs en hausse dans toutes les régions, mais également dans les différents pays européens. Nous l’avions collectivement déploré à l’occasion de la sortie de chaque baromètre trimestriel. Toutefois, tout comme je l’ai indiqué précédemment, cette tendance globale à la hausse est clairement à mettre en lien avec la reprise des activités et de la mobilité après deux années fortement impactées par la crise sanitaire.
Les dernières mesures restrictives ont pris fin au début de l’année 2022. Il y a eu la rentrée scolaire 100 % en présentiel en janvier, la fin de l’obligation du télétravail, la levée des dernières restrictions en vigueur dans l’HORECA et la réouverture des discothèques en février.
En conséquence, la mobilité a progressivement repris sur les routes wallonnes, se traduisant par une hausse de l’accidentalité. Malgré cette hausse des indicateurs entre 2021 et 2022, l’évolution reste favorable par rapport à la situation prépandémique en 2019. Le nombre de tués est de 22 % moins élevé qu’en 2019 et le nombre total de victimes a diminué de 10 %. Le nombre d’accidents corporels a diminué de 6 %.
En outre, la dégradation de la sécurité routière en 2022 se concentre sur les six premiers mois de l’année. Le second semestre enregistre lui une tendance très favorable. Il présente même, pour certains indicateurs, des chiffres parmi les plus faibles jamais atteints au cours d’un second semestre, notamment le nombre de tués ou la gravité des accidents même si un décès est toujours un décès de trop.
Malheureusement, ce second semestre ne parvient pas à compenser totalement l’évolution défavorable du premier semestre. Ce basculement pourrait être le reflet du passage en quelques mois d’une situation de liberté retrouvée après 2 ans de restrictions liées à la crise sanitaire et à une situation de crise énergétique qui engendre une modification de la mobilité.
L’évolution entre 2021 et 2022 est également très contrastée selon le type d’usager. La situation se dégrade pour les usagers dits vulnérables. À l’inverse, la majorité des indicateurs sont à la baisse pour les voitures, les camionnettes et les poids lourds.
Mises en avant dans le baromètre de Vias, les trottinettes concernent surtout Bruxelles et la Flandre. Les trottinettes sont encore relativement peu nombreuses en Wallonie, mais, en 2022, nous avons déploré un premier usager de trottinette décédé.
Remarquons, tout de même, que la Wallonie n’a jamais recensé aussi peu de jeunes de 18 à 24 ans tués et grièvement blessés qu’en 2022. Par rapport à 2019, c’est une diminution de 42 % des tués et de 33 % concernant les blessés graves. Il reste néanmoins beaucoup de chemin à parcourir, j’en suis bien consciente.
Voici pour l’analyse des chiffres, mais passons aux actions, suite aux questions que vous m’avez posées.
Parmi les mesures efficaces figurent les mesures plus spécifiquement liées aux infrastructures –, sites propres, adaptation de voiries à un meilleur partage de la route, et cetera – qui relèvent du domaine de mon collègue, Philippe Henry, en charge des infrastructures, ou des autorités locales pour les voiries communales.
Monsieur Di Mattia, relativement au permis à points, je me suis déjà exprimée à plusieurs reprises à ce sujet. Notamment, la dernière fois, au mois de décembre 2022, je vous ai répondu de manière détaillée à l’occasion de votre question écrite sur le sujet. Il s’agissait de la question n° 119. Le contenu de ma réponse n’a pas changé.
La sanction éducative via une formation en cas d’infractions, faisant partie des mesures de la vision partagée « All for zero » entre toutes les entités de notre pays, s’inscrit dans un projet de développement sur le long terme.
L’AWSR a mené fin 2022 des campagnes spécifiques dont celle menée fin d’année donnant la parole aux victimes. J’ai déjà abordé celles-ci à maintes reprises dans vos questionnements précédents.
L’AWSR mène chaque année des campagnes de sensibilisation sur les modes de déplacements doux, je m’adresse plus spécifiquement à Mme Kelleter. Ces campagnes visent tant à sensibiliser ces usagers euxmêmes qu’à sensibiliser les autres usagers aux bons comportements à adopter à l’égard de ces usagers vulnérables. La notion de partage de la route y est centrale. Je tiens tout de même à vous indiquer que, si les accidents entre usagers faibles et véhicules automobiles – bus ou camions – ont, à l’évidence, des conséquences généralement plus importantes, les aménagements de l’infrastructure routière constituent la meilleure réponse pour les limiter ou les éviter. Je ne peux dès lors que vous inciter à interroger mon collègue sur l’état d’avancement des projets adoptés par le Gouvernement. En effet, vous savez que la DPR en a fait une priorité.
Il n’en reste pas moins que le comportement de ces mêmes usagers vulnérables comporte également des points d’amélioration : l’alcoolémie, les drogues, les méconnaissances ou le non-respect du Code de la route. Circuler ensemble et partager la route implique des efforts de comportement de la part de tous.
Les campagnes de sensibilisation de l’AWSR seront poursuivies et renforcées en 2023 étant donné l’utilisation croissante de ce type de moyens de transport et la hausse de l’accidentalité pour ces usagers.
Voici ce qui est prévu pour cette année 2023 :
en mars-avril, une campagne à destination des cyclistes et motards ;
des messages et bonnes pratiques diffusés sur les réseaux sociaux vers les automobilistes ;
des messages et bonnes pratiques diffusés sur les réseaux sociaux vers les usagers vulnérables : cyclistes, trottinettistes, cyclomotoristes et les motards ;
en été, une campagne sur la courtoisie et le partage de la route ;
en automne, une campagne de sensibilisation à la visibilité à l'égard des usagers vulnérables et des automobilistes, un quiz de la route qui comprend de nombreuses questions concernant les modes de déplacement doux ;
tout au long de l'année, des conseils sont diffusés sur les réseaux sociaux et le site internet de l'AWSR ainsi que dans les émissions Contacts diffusées sur la RTBF.
L'AWSR intègre les différents modes de déplacement dans le cadre de ses grandes campagnes de sensibilisation portant sur les problématiques principales des accidents de la route, à savoir la vitesse, la distraction et la conduite sous influence.
Par ailleurs, l'AWSR a développé un module de formation de courte durée sur l'usage des trottinettes. Il reprend la législation, la place sur la chaussée, la visibilité, l'équipement et les risques liés à son utilisation.
Ce module est proposé aux organisateurs de formations et animations à l'attention des jeunes de 16 à 24 ans, par exemple les scouts, les écoles supérieures, les maisons de jeunes, les mutualités, et cetera.
L'AWSR donne aussi des formations sur l'utilisation du vélo en toute sécurité, dont un module spécifique sur le vélo à assistance électrique. Ces ateliers abordent les bases des règles pratiques de circulation et de l'équipement ainsi que l'identification et l'anticipation des risques pour éviter les situations potentiellement dangereuses. Elle comporte également une partie pratique qui consiste en des mises en situation et des exercices d'adresse afin de mieux appréhender le vélo.
Les brevets du piéton et du cycliste offrent aux enfants la perspective de devenir acteur de leur mobilité. Le souhait est de les développer. En effet, j'ambitionne que l'ensemble des classes soient couvertes par le brevet du piéton et du cycliste d'ici 2030. J'ai également chargé l'AWSR de la mise en place d'un brevet multimodal à l'attention du secondaire.
Un décret est en préparation pour ce qui concerne l'encadrement des subventions des associations actives, notamment pour ces brevets. Nous aurons donc prochainement l'occasion d'en reparler.
Parmi mes 10 mesures prioritaires pour la sécurité routière en Wallonie, présentées à la suite des États généraux de 2020, figurent aussi l'augmentation du nombre de zones à vitesse apaisée en agglomération et l'amélioration de la visibilité des abords d'écoles.
Ainsi, un projet vise à renforcer la visibilité des zones 30 aux abords des écoles au moyen d'un marquage spécifique de carrés colorés, espacés et disposés de manière aléatoire. Les marquages se concrétiseront cette année parmi les 136 communes qui ont manifesté leur intérêt pour le placement de ce marquage au sol, inédit en Wallonie, pour près de 750 abords d'écoles.
En conclusion, ne nous comportons plus uniquement comme un piéton lorsque nous marchons ou comme un automobiliste lorsque nous circulons en voiture. Devenons les usagers d'une route partagée, conscients des réalités et des dangers de chaque mode de déplacement et bienveillants envers les autres. C'est vraiment le message de partage de la route qu'il faut chaque fois faire passer dans toutes nos actions.
M. Di Mattia – Je vous remercie, Madame la Ministre, pour l'ensemble des réponses qui, à défaut d'être totalement rassurantes, me semblent assez complètes. En tout cas, il y a un panel assez large de mesures.
Je partage l'avis de mon collègue, M. Agache, sur l'arrivée d'autres modes de transport, comme les trottinettes, en Wallonie. Il y a donc un phénomène à anticiper, d'ici quelques mois ou quelques années, et il ne faut pas rater ce tournant.
Concernant les propositions avancées par Vias sur le permis à points, je me suis permis de revenir sur cette question parce que, postérieurement à vos réponses, le porte-parole de Vias est revenu sur ce point. Il a même été – et cela a créé un certain émoi dans ma région – jusqu'à dire que, s'il y avait eu un permis à points, sans doute que le drame de Strépy n'aurait pas eu lieu. C'est une déclaration dont il endosse la totale responsabilité. Je ne suis pas complètement favorable à cette mesure pour des raisons que je ne vais pas évoquer ici, mais c'est pour cette raison que je l'ai évoquée.
Je voudrais souligner un élément qui semble très intéressant, à savoir l'intensification des brevets. Vous parlez d'une généralisation et du fait que des contacts ont été pris avec l'échelon communautaire, ce dont je ne peux que me réjouir.
S'ils sont généralisés à l'ensemble du secondaire d'ici 2030, ce serait parfait.
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