M. Di Mattia – Monsieur le Ministre, depuis 2016, le décret organisant l’enseignement supérieur en alternance encadre la pratique et entend proposer à l’étudiant, en plus du diplôme, une double opportunité de découverte du monde de l’entreprise et de développement de compétences sociales, techniques et professionnelles attendues sur le marché de l’emploi.
En outre, ce décret permet notamment l’organisation de ce type d’enseignement formant à des métiers en pénurie, des nouveaux métiers, mais aussi à des métiers orientés vers le développement durable ou la reprise économique.
Dans son état des lieux pour un renforcement transversal de l’enseignement qualifiant et de l’alternance, l’ASBL Agir pour l’enseignement soulignait l’intérêt de développer davantage ce type de cursus pour valoriser l’alternance comme filière d’excellence et une meilleure fluidité des parcours. En Wallonie, les candidats de la formation en alternance n’ont pas ou peu accès à l’enseignement supérieur, sauf programmes spécifiques suivis au sein de l’IFAPME.
Monsieur le Ministre, quelles mesures envisagezvous pour rencontrer la volonté wallonne de permettre aux apprenants de la formation en alternance d’accéder largement à l’enseignement supérieur ?
Enfin, quelles mesures de sensibilisation comptezvous mettre en place auprès des entreprises au bénéfice de la poursuite de l’apprentissage par l’enseignement supérieur en alternance ?
Je vous remercie pour les éléments de réponse.
M. Borsus – Madame et Monsieur les Députés, pour développer l’attrait des entreprises au modèle de l’alternance, j’ai souhaité travailler à plusieurs niveaux avec l’IFAPME dans le cadre du Plan de relance. L’IFAPME s’est fixé comme objectif de dynamiser son réseau d’entreprises formatrices. C’est le projet n° 9 du PRW.
Le rôle des services « alternance » a été revu. Ils coordonnent désormais tous les stages en entreprise : les stages en alternance, les stages non rémunérés et les stages de découverte des métiers. Les équipes de référents ont été renforcées, de même que leurs compétences en communication, en prospection d’entreprises et en coaching des tuteurs en entreprise.
Dans le cadre de la reconstruction de la Wallonie, des mesures spécifiques ont été adoptées pour les secteurs de la construction, du bois et de l’électrotechnique. Une prime pilote à la formation, de 2 000 euros, octroyée en trois tranches, ainsi qu’un Passeport Drive, un passeport permis de conduire, d’un montant équivalent, aux apprenants inscrits dans une formation menant à un métier en pénurie.
Ces incitants ont un impact positif sur l’attractivité des formations. En 2022, 2 571 apprenants ont sollicité et reçu une tranche de la prime reconstruction, et pas moins de 734 chèques permis de conduire ont été octroyés.
Pour 2023 – chiffres provisoires –, l’IFAPME a estimé le nombre de bénéficiaires de la prime reconstruction à 2 583 et de Passeport Drive à 400. Les premiers effets sont perceptibles. Les inscriptions dans les filières de la construction ont augmenté globalement de 11 %. Les inscriptions en apprentissage, qui étaient en diminution depuis plusieurs années, se sont stabilisées. On comptabilisait 1 305 apprenants inscrits en 2022-2023, cela représente une stabilisation par rapport à l’année antérieure.
Dans la formation des adultes, une augmentation notable, remarquable, a été enregistrée puisqu’elle est de 18,5 % sur cette même période – 2022-2023 par rapport à 2020-2021. On a donc 2 282 apprenants enregistrés. Si je totalise, ce sont donc 3 600 apprenants.
Si je rassemble les deux filières, nous avons 18 500 personnes qui se forment chaque année à l’IFAPME et qui sont inscrites dans un des métiers de la construction que je viens de citer. En apprentissage, si 60 % vont directement à l’emploi après leur formation, environ 25 % décident de poursuivre leur formation, généralement dans la filière chef d’entreprise, pour devenir ensuite indépendants, entrepreneurs et créer leur propre activité ou se spécialiser. Cela démontre un véritable et vif intérêt pour le secteur. C’est positif.
Le taux d’insertion dans les formations d’adultes avoisine les 100 % dans les métiers en pénurie, et singulièrement dans ceux de la construction. Ces mesures semblent bien contribuer à l’attractivité des métiers du secteur. Elles soutiennent aussi l’accrochage en formation. C’est assez important, parce que s’inscrire et commencer une formation, c’est une chose, aller jusqu’au bout et puis travailler dans le métier concerné, c’en est une autre. C’est la raison pour laquelle la prime a été scindée en trois tranches. La dernière tranche est octroyée à la signature du contrat de travail. Elle l’incite, et elle motive donc les apprenants en alternance à aller jusqu’au bout de leur formation, jusqu’à la certification, ce qui est un des axes stratégiques du nouveau contrat de gestion de l’IFAPME. Je crois que les entreprises se réjouissent de la mesure Passeport Drive. Je ne m’exprime ici que sur le volet IFAPME. Cette mesure est plébiscitée, car, on le sait, la mobilité constitue un des facteurs majeurs handicapant l’identification ou la recherche d’emploi si l’on n’est pas titulaire du permis de conduire, en tout cas dans pas mal de régions du pays, et de la Wallonie en particulier.
J’ai demandé à l’IFAPME d’évaluer régulièrement l’impact de ces mesures afin de m’assurer de leur efficacité et de la bonne utilisation des moyens publics investis. Ce n’est que si la démonstration de l’efficacité des mesures est faite que l’on peut décider de les maintenir, de les élargir ou de les amplifier, ce qui est mon intention. Il s’agit de résultats positifs qui soulignent l’importance du dispositif.
Deuxièmement, le cadre du Plan de relance a prévu aussi dans le projet 10 de revoir avec les entreprises les modalités de collaboration pour l’alternance, en s’inspirant du modèle de la Communauté germanophone en collaboration avec l’OFFA. Nous avons ici mené une analyse du modèle germanophone. L’IFAPME a aussi pris un certain nombre de contacts avec I’IAWM – je demanderai à Mme Kelleter de le décliner en allemand, ce dont je serais incapable. L’IFAPME, à la suite de ses collaborations, a mené un certain nombre d’actions sur les stages en entreprise, des collaborations avec l’IAWM dans le cadre de l’orientation, et dans le cadre de l’identification des stages. De bonnes pratiques ont été identifiées.
Un des points de tension mis en avant par l’état des lieux qui a été réalisé est la reconnaissance limitée des certifications qui sont délivrées par l’IFAPME et par le SFPME à Bruxelles. J’ai fait de ce projet une priorité pour les actions à court terme.
Avec nos collègues de la Fédération WallonieBruxelles, notre but est également de pouvoir certifier et homologuer les diplômes qui sont délivrés à la suite du cursus en apprentissage. Avec la ministre de l’Enseignement de promotion sociale, nous nous sommes accordés également pour faciliter l’accès au certificat d’enseignement secondaire supérieur.
On a déposé, avec l’IFAPME, en juin dernier, une demande de valorisation automatique des cours généraux pour la préparation à l’épreuve intégrée du CESS.
Par ailleurs, nous avons confié, comme vous le savez, Madame Schyns, à l’ASBL « Agir pour l’enseignement », de concert avec nos homologues de la Fédération Wallonie-Bruxelles, un état des lieux et une étude approfondie de l’ensemble des éléments de l’alternance, que celle-ci relève de la Fédération Wallonie-Bruxelles ou bien encore de la Région wallonne.
Une nouvelle convention-cadre de partenariat est d’ailleurs en cours de signature. Elle va s’échelonner jusqu’à fin 2024, avec pour objectif d’élaborer les propositions de scénarios précis de réforme sur l’alternance dans l’espace francophone, sur la formation professionnelle en Wallonie et l’articulation des coopérations intrafrancophones.
On a aussi – et j’en terminerai par là, Madame la Présidente – développé la digitalisation à l’IFAPME, l’investissement dans les bâtiments, les modules « Je crée ma boîte », le renforcement de l’accompagnement. Je suis ici seulement illustratif d’un certain nombre d’actions menées. Il y a vraiment eu un travail colossal mené par l’IFAPME, avec l’IFAPME et avec le soutien du Plan de relance.
Bien sûr, vous avez raison, on doit définir le futur de l’alternance en Wallonie et dans l’espace francophone. J’ai quelques idées quant au sujet. Elles seront finalisées avec le nouveau contrat d’APE, me semble-t-il.
Et puis, après ? Rendez-vous à l’été 2024 pour la négociation gouvernementale pour que les gens autour de la table puissent alors faire de ce pilier de l’alternance un pilier majeur de notre futur.
M. Di Mattia – Merci, Monsieur le Ministre, pour ce tableau large et décrivant un certain nombre d’actions tout à fait appréciables, surtout dans la partie finale, à laquelle je suis certainement le plus sensible, qui est la reconnaissance, la certification, l’accès aux certifications, à l’enseignement supérieur et à la validation.
Vous avez parlé du modèle germanophone. Je pense que, si l’on veut s’orienter – mais ce sera peut-être l’objet de discussions dans quelques mois – vers une véritable prise en compte du modèle germanophone, il faut s’inspirer de ce qui se passe en Allemagne et en Suisse, avec notamment des parcours de double diplôme en Allemagne, une qualification – le German Masters – qui permet à des apprenants d’avoir un accès.
Finalement, les mots clés sont la fluidité et la perméabilité des parcours. C’est certainement là-dessus que le travail est le plus important pour véritablement entrer dans une démarche d’excellence et faire en sorte que non seulement l’insertion soit une priorité, mais aussi la modularité pour permettre des parcours diversifiés et le changement de parcours pour un certain nombre d’apprenants.
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