M. Di Mattia – Monsieur le Ministre, vous me permettrez de profiler légèrement différemment ma question et d'en venir à l'essentiel. La presse de la semaine dernière nous apprenait que l'aide apportée par la Région wallonne sous forme d'un prêt de garantie de 7 millions d'euros et le complément de trésorerie obtenu suite au rachat du centre Acier de Flémalle permettrait de prolonger jusqu'au 14 mars le délai de PRJ concernant Liberty Steel. Parmi les repreneurs potentiels, les syndicats ne cachent pas leur préférence pour ArcelorMittal qui avait dû se séparer, il y a cinq ans, des deux sites liégeois au profit de Liberty Steel, suite à une décision de l'Union visant à limiter l'hégémonie du groupe luxembourgeois en Europe.
L'extension du délai de dépôt des offres de reprise au 14 mars – pour autant que vous confirmiez le prêt de garantie régionale – influence-t-elle le travail réalisé par Wallonie Entreprendre, la SOGEPA et la Stratégie wallonne concernant l'avenir de la sidérurgie ? Cela aura-t-il des impacts potentiels sur l'emploi ?
J'en viens maintenant au cœur de ma question. Lors du précédent échange, vous aviez annoncé des contacts initiés avec la Commission européenne concernant la situation concurrentielle sur le marché de la sidérurgie et des pistes d'assouplissement du cadre actuel. Or, si l'offre d'ArcelorMittal devait être privilégiée, jouerezvous un rôle de facilitateur pour permettre au groupe de réinvestir sur le territoire wallon ?
De manière plus générale, qu'en est-il du moratoire qui est fixé à deux ans ? Un certain nombre de représentants de travailleurs parlent d'une possible extension – vous-même l'avez évoqué –, à quatre ans. Qu'en est-il ? Qu'en est-il des compensations dont vous avez fait état à un certain moment ? Par ailleurs, puisqu'on parle de stratégie sidérurgique à l'échelle wallonne, inévitablement, l'approvisionnement – notamment l'approvisionnement en brame – est essentiel. Pouvez-vous nous donner votre évaluation sur cet élément plus précis ?
M. Borsus – Monsieur le Député, merci beaucoup de l’intérêt pour cet important dossier et, transversalement, pour le dossier de la sidérurgie wallonne. Je m'exprimerai – vous en conviendrez, et je pense que vous serez tout à fait d'accord – avec un devoir de réserve indispensable compte tenu de l'état du dossier.
Comme vous le savez, les offres doivent être remises de façon imminente : c'est, si je ne m'abuse, pour le 17 mars à 9 heures. Il convient, dès lors, d'être d'une rigueur absolue dans la communication faite, et ce, bien sûr, dans le respect scrupuleux de la procédure de réorganisation judiciaire et de la mission confiée au mandataire de justice, Me Ouchinsky, avec qui j'ai été en contact à plusieurs reprises, avec qui j'ai participé à un certain nombre de réunions, ainsi que par rapport aux missions de l'administrateur provisoire. Je me suis même entretenu à plusieurs reprises avec les organisations syndicales, j'ai eu l'occasion de visiter les usines pour être au plus proche de l'observation de la réalité et d'étudier au maximum l'ensemble de l'environnement de ce dossier.
Je crois comprendre sans m'avancer qu'un certain nombre de contacts ont été pris avec la Commission européenne de manière à ce que ce qui aurait pu être considéré comme un obstacle puisse trouver, dans le cadre légal fixé par la Commission, une réponse positive en ce qui concerne un des candidats repreneurs.
Par ailleurs, je tiens à souligner le travail considérable développé par le mandataire de justice, en lien avec la direction actuelle, en lien avec l'administrateur judiciaire, ainsi qu'avec les organisations syndicales.
Dans ce contexte, un élément important intervient : l'élément de la durée. Mener à bien une PRJ, pour un dossier aussi complexe, avec appel à manifestation d'intérêt, accès à une data room, réponses aux interrogations formulées dans le cadre des marques d'intérêt et obtenir, ensuite, des offres dans un délai trop court rendaient ce dossier vraiment très périlleux.
Je dois dire – je leur ai dit d'ailleurs –, même si nous avons mené cette opération à bien avec Wallonie Entreprendre, l'idée de ce crédit-pont régional a été émise par les organisations syndicales lors de l'une de nos réunions. Grâce à Wallonie Entreprendre et à la diligence des acteurs que je viens de mentionner, le fait que nous avons pu, avec cet accord sur l'acquisition du Centre Acier, faire ce pont financier régional a permis de prolonger d'un certain nombre de jours la PRJ et, ainsi, de continuer à travailler dans des contions plus raisonnables. Si je ne m'abuse, le Centre Acier a finalement fait l'objet d'un accord et d'une valorisation à 8,5 millions d'euros dans le cadre des négociations avec Prayon, alors même que nous avons consenti un créditpont régional de 7 millions d'euros.
En outre, un des éléments de préoccupation importants est que la reprise ne concerne pas seulement la « galva » et pas seulement la « galva 5 ». Comme vous le savez, notre préoccupation est qu'il y ait aujourd'hui de l'ordre de 560-570 travailleurs concernés par l'activité des usines de Liberty. Notre préoccupation et celle du mandataire de justice est que l'offre combinée puisse inclure non seulement Tilleur et Flémalle, mais aussi Flémalle et Tilleur.
J'ai eu des entretiens réguliers avec mon collègue luxembourgeois, Franz Fayot, puisque la situation de Dudelange est connectée à ce dossier. Dudelange appartient toujours au groupe Liberty, auquel le Gouvernement luxembourgeois a consenti un prêt dans le cadre de la crise covid. Des démarches y sont aussi exercées par mon collègue, au nom du Gouvernement grand-ducal pour tenter de trouver une issue pour le siège de Dudelange.
Je suis désolé de ne pas être plus précis. Je ne veux agir que sur la seule autorité du mandataire de justice et donc du Tribunal de l'entreprise de Liège et avec Wallonie Entreprendre que je remercie, avec les organisations syndicales, la direction locale, l'administrateur provisoire, nous nous considérons comme des outils à disposition du mandataire de justice pour – de façon équilibrée par rapport à toute offre bien sûr – rendre possible la reprise maximale de l'activité.
Je rappelle que celle-ci est structurante. Il y a de l'aval, il y a de l'amont, il y a du transport.
Bref, une entreprise comme Liberty Liège, c'est non seulement l'entreprise elle-même, mais c'est tout un écosystème autour et alentour qui est en jeu.
Je décompte les jours jusqu'au 16-17 mars. Je nourris vraiment beaucoup d'espoir. J'espère que les efforts consentis par les uns et par les autres pourront aboutir.
M. Di Mattia – Je voudrais remercier Monsieur le Ministre. Vous aurez compris également que, dans la suite de ma question, j'abordais la question de la stratégie puisque l'écosystème va au-delà de ces seules entreprises. Il y a des répercussions aussi sur d'autres entreprises dans d'autres provinces. La question des négociations avec la Commission européenne, audelà de l'urgence du moment, sera essentielle. À la fois le délai du moratoire et, je me répète, à la fois les compensations et, surtout, les approvisionnements.
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