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INQUIÉTUDE DES DIRECTIONS DE L’ENSEIGNEMENT FONDAMENTAL

M. Di Mattia – Le rythme des réformes qui sont censées améliorer notre enseignement est évidemment imputable au caractère systémique du chantier du Pacte, programmé voici quelques années, mais aussi aux circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire, qui ont créé un effet d’engorgement. Les directeurs de l’enseignement fondamental ont récemment tiré la sonnette d’alarme, se disant débordés face à l’enchaînement de ces réformes. Ils vous ont adressé un courrier, Madame la Ministre, dans lequel ils demandent un moratoire, pour leur permettre d’assimiler les nombreux changements apportés par les réformes successives. Par ailleurs, les directions de l’enseignement fondamental demandent également une révision de leur statut administratif et pécuniaire. En outre, elles ne disposent pas de la même aide administrative que celle prévue dans l’enseignement secondaire. Rappelons que le dernier accord sectoriel a permis de dégager près de 8 millions d’euros supplémentaires pour l’aide aux directions de l’enseignement fondamental, soit une augmentation de 25 % par rapport aux moyens octroyés jusque-là. À votre demande, les fédérations de pouvoirs organisateurs ont également été chargées de réaliser un cadastre du personnel engagé dans le cadre de l’aide spécifique. Lors de sa séance du 20 avril, le gouvernement a discuté des mesures permettant de garantir la soutenabilité des réformes du Pacte pour un enseignement d’excellence. Quelles sont les propositions concrètes d’allègement qui ont été soumises et avalisées par le gouvernement? Ces propositions ont-elles déjà été présentées au Comité de concertation du Pacte? Le cas échéant, ont-elles été reçues? Concernant l’aide administrative, disposez-vous d’une première évaluation du dispositif tel que renforcé par les nouveaux moyens débloqués dans le cadre de l’accord sectoriel? Sur la base du cadastre, une nouvelle stratégie est-elle à l’étude? Si oui, quelles en sont les orientations?


Mme Désir – Le 6 avril dernier, j’ai réuni le Comité de concertation du Pacte pour un enseignement d’excellence afin de faire le point sur la situation et d’évaluer les conditions dans lesquelles il était possible de poursuivre notre feuille de route.


Les fédérations de pouvoirs organisateurs et la CSC ont souligné à quel point les directions et les enseignants – surtout dans l’enseignement fondamental – peinent à suivre le rythme soutenu des réformes de ces dernières années. Les courriers des associations de directeurs qui me sont parvenus allaient dans le même sens. Les signaux qui me sont revenus du terrain convergent donc pour montrer que les répercussions de toutes ces réformes sur la charge de travail des directions et des équipes éducatives n’ont sans doute pas été pleinement mesurées en 2017 lors de l’élaboration du Pacte pour un enseignement d’excellence. Force est de constater que le terrain doit absorber de nombreux changements en peu de temps. La crise sanitaire est venue s’ajouter et elle a renforcé les difficultés de ce programme de réformes. Certaines nouvelles dispositions décrétales souffrent parfois aussi de maladies de jeunesse et nous devrons progressivement améliorer les dispositifs.


Nous ne devons toutefois jamais oublier le constat unanime dressé en 2017 par les acteurs de l’enseignement eux-mêmes: les changements sont nécessaires pour faire face aux défis de notre système scolaire, améliorer la qualité de notre enseignement et réduire les inégalités scolaires. Ce constat reste plus que jamais d’actualité. Les acteurs de l’enseignement eux-mêmes, dont ceux qui ont quitté le Comité de concertation, continuent de le reconnaître.


En tant que ministre de l’Éducation, j’ai donc la responsabilité de continuer à porter un projet pour l’ensemble du système éducatif, afin de réduire le décrochage scolaire et le redoublement, améliorer la maîtrise des savoirs de base et augmenter le bien-être des élèves. Je continuerai bien sûr à porter ce projet et je souhaite tout mettre en œuvre pour le faire avec les directeurs et les enseignants, et non contre eux. Dans cette perspective, sur la base des propositions de la CSC et des fédérations de pouvoirs organisateurs, j’ai soumis au gouvernement une série d’assouplissements de notre feuille de route, pour donner plus de temps et de souplesse aux équipes pour toutes les réformes qui s’y prêtent. L’objectif de ces propositions, approuvées par le gouvernement le 20 avril dernier, est très simple: il consiste à diminuer la pression.


Avant de vous en faire le détail et en guise de préalable, je vous dirai un petit mot concernant le système de pilotage. Ce dispositif cristallise, dans certains cas, du mécontentement. Il est souvent perçu sous l’angle exclusif d’une charge administrative supplémentaire en raison de réunions à tenir, d’un suivi administratif à réaliser ou des évaluations à effectuer. Il est vrai que nous avons parfois fait peser trop de pression sur les acteurs de terrain. C’est la raison pour laquelle nous venons d’adresser aux acteurs de l’enseignement un document comportant une série de balises à ce sujet. Il s’agit avant tout de cadrer le temps de travail, de définir les modalités de mobilisation des enseignants, mais aussi de faire passer un message essentiel, rappelé à plusieurs reprises aux délégués au contrat d’objectifs (DCO) et directeurs de zone (DZ): le plan de pilotage et le contrat d’objectifs sont avant tout des outils qui appartiennent aux écoles et qui n’engagent pas d’obligations de résultat. Les contrats d’objectifs ne sont pas et ne seront jamais des outils de contrôle des écoles. Ce sont des supports pour inscrire l’équipe dans une dynamique de progression en toute autonomie et permettre de faire le point à échéance régulière sur les actions et moyens développés.


Je le répète: la Fédération Wallonie-Bruxelles ne reprochera jamais, ni aux pouvoirs organisateurs, ni à la direction, ni aux enseignants de ne pas atteindre des objectifs chiffrés ou de ne pas réaliser toutes les actions prévues dans le contrat.


Dans les années à venir, nous devrons veiller à évaluer le dispositif et ne pas hésiter à l’ajuster pour mieux concilier nos ambitions de pouvoir régulateur et le vécu des écoles.


Pour élaborer nos propositions en vue d’un allègement de la pression pour la prochaine rentrée, nous avons décidé de donner la priorité aux réformes qui créent de nouveaux droits pour les élèves. C’est le principe qui a guidé nos choix, c’est-à-dire qu’il nous a permis de déterminer, parmi les nouvelles réformes prévues, ce qui devait impérativement entrer en vigueur à la rentrée 2023 et ce qui pouvait faire l’objet d’un phasage dans le temps.


Entreront ainsi pleinement en vigueur, pour les élèves de la première à la quatrième année primaire, la nouvelle procédure de maintien, la poursuite du déploiement de l’accompagnement personnalisé et l’anticipation des cours de langues en troisième année primaire en Wallonie.


Pour les autres réformes qui étaient prévues à la rentrée scolaire 2023, le mot d’ordre est donc la souplesse et chacun pourra appliquer les mesures à son rythme. Je vous donne quelques exemples concrets afin d’illustrer nos intentions.


Pour le dossier d’accompagnement de l’élève (DAccE), il était prévu de l’imposer à la rentrée pour les élèves depuis la troisième année de l’enseignement maternel jusqu’à la quatrième année de l’enseignement primaire. Désormais, le DAccE rentrera certes en application, mais de façon facultative. Par conséquent, l’école pourra décider d’utiliser ou non le DAccE. Cette décision devra se prendre après la consultation de ses organes de démocratie locale, à savoir le conseil de participation (copa) et l’organe local de concertation. Cet allègement permettra aux écoles qui le souhaitent de continuer à utiliser provisoirement soit leurs applications propres, soit un format papier. Cet assouplissement est prévu pour une période de trois années scolaires. Si l’école fait ce choix alternatif, elle sera toutefois tenue de respecter la procédure de maintien. Il est important de le souligner, car le respect de cette procédure crée des droits pour tous les enfants. Cette procédure consiste à communiquer aux parents des élèves en difficulté, à deux reprises dans l’année, les problèmes d’apprentissage identifiés et les dispositifs de suivi mobilisés pour aider l’élève à surmonter ses difficultés. L’école devra encoder le bilan de fin d’année de ses élèves, essentiellement pour simplifier la gestion des procédures de recours en cas de décision de maintien. Cette mesure allège donc l’outil DAccE, mais conserve la procédure de maintien qui, quant à elle, crée des droits pour l’ensemble des élèves.


Un autre exemple concret est le nouveau plan de formation que les écoles doivent intégrer à leur plan de pilotage au contrat d’objectifs devra l’être, au plus tard, lors de l’élaboration de leur deuxième plan de pilotage, alors que c’était initialement prévu lors de la prochaine rentrée. De même, le portfolio des enseignants ne sera pas généralisé avant 2025-2026.


Un troisième exemple concret concerne l’implémentation des périodes de langues en troisième et quatrième années primaires. Il sera tenu compte du contexte de pénurie des enseignants, et ce, pour répondre à l’inquiétude des équipes éducatives. Plusieurs mesures spécifiques viennent d’être adoptées pour résoudre la pénurie des maîtres de langues. Cependant, il n’est pas certain que ces mesures produiront tous leurs effets pour la prochaine rentrée. Par conséquent, s’il s’avère que des écoles éprouvent des difficultés à trouver tout de suite tous les enseignants supplémentaires nécessaires, l’administration prendra bien en considération cette dimension dans ses éventuels contrôles et évaluations. Très concrètement, il ne peut pas être reproché aux écoles de ne pas avoir pu trouver un maître de langues. Les écoles auront également plus de latitude pour utiliser les moyens octroyés dans le cadre du tronc commun, à condition que cela serve soit à une prolongation de l’éveil aux langues, soit à l’accompagnement personnalisé des élèves.


L’administration fournira également les recommandations utiles pour l’appréciation du parcours des élèves et elle en tiendra compte dans l’application du dispositif d’épreuves externes certificatives. Ainsi, si des élèves n’ont pas pu suivre l’ensemble des heures de langue dès le démarrage du dispositif, ils ne seront bien sûr pas pénalisés pour la réussite de leurs années. Ce sera un plus pour tous ceux qui ont suivi le cours de langue dès la troisième année primaire, mais personne ne subira de préjudice si ce n’est pas entièrement le cas.


À Bruxelles et dans les écoles à statut linguistique spécial, les trois périodes de langue obligatoires seront bien financées en troisième et quatrième années primaires dès la rentrée de 2023, mais l’obligation d’organiser une 29e période dans la grille horaire hebdomadaire des élèves est reportée à la rentrée 2025-2026. Ce délai permettra aussi de mieux appréhender les conséquences organisationnelles de cette 29e période. La souplesse est de mise et cette mesure est donc facultative: certaines écoles ont l’intention de s’emparer de cette mesure tandis que, pour d’autres, cela deviendrait un casse-tête organisationnel.


En ce qui concerne les révisions opérées sur notre feuille de route pour le reste de la législature, mon intention n’est pas d’organiser un sprint pour l’année qui reste afin de boucler un maximum d’avancées. Si l’enseignement fondamental est le niveau qui a bénéficié du plus gros des moyens supplémentaires du Pacte jusqu’ici, c’est aussi celui qui a été le plus soumis aux conséquences du nombre de réformes: l’obligation scolaire à partir de 5 ans et, surtout, la réforme du tronc commun. La saturation y est réelle, mais je rappelle que nous arrivons au bout des grands changements pour l’enseignement maternel, notamment en raison de la fin du déploiement du tronc commun.


Jusqu’à la fin de la législature, j’envisage de présenter plusieurs projets de décret, comme la gouvernance des options de l’enseignement qualifiant, le soutien à l’accompagnement et à l’évaluation des enseignants, l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS), le harcèlement scolaire. Je ferai de même pour les projets qui ont fait l’objet d’une note d’orientation, comme c’est le cas pour le chantier n° 16 relatif à la démocratie scolaire.


Il y a aussi le texte lié à la mise en œuvre de réformes déjà adoptées et, enfin, des réformes clés comme la lutte contre le décrochage scolaire, l’orientation vers l’enseignement spécialisé, la création du cadre juridique des écoles du tronc commun et les activités orientantes dans les dernières années du tronc commun.


Concernant les activités orientantes et le décrochage scolaire, il faut souligner que, même si nous avançons dans le travail législatif, l’entrée en vigueur de cette réforme est prévue pour la prochaine législature. Je le dis pour ne pas effrayer davantage les écoles. Dans certains cas, nous devons évidemment continuer le travail entamé au niveau gouvernemental et parlementaire.


Monsieur Di Mattia, vous m’interrogez plus précisément sur l’aide administrative aux directions. Les moyens dégagés dans le cadre de l’accord sectoriel seront entièrement disponibles dès la prochaine rentrée scolaire, tandis que les travaux se poursuivent pour revoir les modalités de répartition de ces enveloppes. Dans l’intervalle, le montant forfaitaire impliqué dans le calcul du modèle en vigueur sera actualisé pour correspondre à l’augmentation de 7,8 millions d’euros décidée dans le cadre de l’accord sectoriel.


Monsieur Vossaert, en ce qui concerne votre question relative à la réforme de l’accueil temps libre (ATL), je vous renvoie vers la ministre Bénédicte Linard, compétente en la matière.


Par ailleurs, les écoles secondaires sont en attente de clarté sur les contours des années qui suivent celles du tronc commun. Je me dois de leur envoyer un message rassurant à cet égard. Même si nous ne légiférerons pas en la matière sous cette législature, nous devons arrêter un certain nombre d’orientations encore sous cette législature. Un groupe de travail comparable à ceux qui avaient été mis sur pied pour construire le Pacte, réunissant les opérateurs de l’enseignement et des experts notamment scientifiques, sera créé et il agira sous la présidence du professeur Marc Romainville. Ce groupe de travail aura pour mission de préciser les orientations à donner au parcours des élèves après le tronc commun et d’organiser les nouvelles filières de transition et qualifiantes. Son cahier des charges sera défini à la fin des vacances de printemps. Il articulera ses travaux avec le chantier relatif à l’enseignement qualifiant et il les poursuivra jusqu’au mois de février 2024.


M. Di Mattia – Madame la Ministre, vos propos sont très clairs et vous faites preuve de courage politique dans ce moment particulier. Nous savons maintenant que l’aide supplémentaire de 8 millions d’euros sera disponible pour les écoles fondamentales dès la rentrée scolaire prochaine. Par ailleurs, je salue le principe sur la base duquel vous avez travaillé au gouvernement. Je suppose que la liste présentée est exhaustive. De ce fait, vous lancez aujourd’hui un signal très fort aux directions d’école quant à la surcharge de travail. Je vous en remercie


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